ce lundi 28 novembre, au CNE de Sequedin.
L'ADAN m'avait sollicitée plusieurs fois et je n'avais pas répondu, par peur, peut-être, sans doute.
Peur de moi-même, peur de n'avoir rien à apporter, peur de ne pas trouver les mots.
Par préjugé, certainement aussi. Difficile de ne pas juger ces hommes qui sont là pour des peines vraiment très lourdes. Au CNE, ils sont évalués pendant 6 semaines dans le cadre de l'action du SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation).
Et puis, lorsqu'on me l'a à nouveau proposé, j'ai dit oui.
Merci, Eleanor et Sylvie pour vos précieux conseils et votre expérience qui m'ont aidée à aborder cette entrevue avec sérénité...à voir les choses sous un autre angle aussi.
J'avais choisi les albums que je voulais partager tout en me demandant comment ces hommes pourraient avoir envie de s'intéresser à des albums illustrés.
En repartant, j'ai croisé des oiseaux qui volaient dans le soleil couchant. C'était paisible.
En général, ce sont les personnes très esseulées qui font la demande. Pour ceux qui ne reçoivent pas de visite, ni de lettres ou de colis, le passage en prison est plus difficile. »
Toutes les trois semaines, l’ancien éducateur se rend aussi au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, pour trois détenus condamnés à des peines bien plus lourdes. Être visiteur, c’est avant tout « savoir être là et prêter une oreille attentive, sans juger. » Quand un détenu est attribué à un bénévole, ce dernier ignore tout de lui : « C’est une page blanche et c’est très bien comme ça. Aucun homme n’est totalement bon ou mauvais. Comme l’énonce la charte de notre association, personne n’est réductible à ses actes. »
Peur de moi-même, peur de n'avoir rien à apporter, peur de ne pas trouver les mots.
Par préjugé, certainement aussi. Difficile de ne pas juger ces hommes qui sont là pour des peines vraiment très lourdes. Au CNE, ils sont évalués pendant 6 semaines dans le cadre de l'action du SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation).
Et puis, lorsqu'on me l'a à nouveau proposé, j'ai dit oui.
Merci, Eleanor et Sylvie pour vos précieux conseils et votre expérience qui m'ont aidée à aborder cette entrevue avec sérénité...à voir les choses sous un autre angle aussi.
C'est sûr, rien ne ressemble aux interventions que je fais d'habitude dans les classes ou les bibliothèques.
Ici, il faut présenter une pièce d'identité, passer le contrôle en enlevant ses chaussures et sa ceinture, laisser son appareil photo, son portable et ses objets personnels dans un casier fermé à clé.
On accède à une salle d'activités à côté de la bibliothèque après avoir franchi l'une après l'autre des portes et des grilles...un parcours interminable.
On est équipés d'une alarme qui se déclenche à la moindre alerte mais malgré cette sécurité, lorsque l'on se retrouve dans la pièce fermée à clé avec les détenus, on se demande, l'espace d'un instant, pourquoi on est venu.
Et puis grâce aux livres, le contact s'est établi : il n'est resté que l'échange, les yeux qui sourient malgré la tristesse, les questions pertinentes et timides, le grand respect, l'écoute.
J'ai présenté Un mur si haut, pages après pages.
Nous avons parlé de l'enfance et du monde, de résilience et d'estime de soi, de préjugés et de tolérance, de murs entre les hommes, de liberté et de bienveillance, du Roi bleu et du Roi Blanc, d'humanité et de Wilson Bentley, de la rencontre de Cassie et de Robin dans les champs de coton, de Paul Klee et de peinture, d'écriture.
Un détenu a chuchoté :
- J'aime les valeurs que vous défendez dans vos livres. je voudrais écrire, mais je n'ose pas.
- Pourquoi ?
- J'ai honte.
On a parlé de ce sentiment de légitimité de l'auteur ...Nul besoin d'être en prison pour en douter parfois.
On a souri et on a ri aussi, l'humour est bienvenu entre ces quatre murs aux fenêtres étroitement grillagées.
Lorsque le surveillant est venu ouvrir la porte, un détenu a murmuré que le temps était passé trop vite...
Je leur ai serré les mains et je suis ressortie de là les idées un peu en vrac.
photo de la grille blanche : copyright MAXPP |
Il me faudra un peu de temps pour absorber, mais je suis heureuse d'avoir relevé ce défi personnel.
J'ai laissé un exemplaire de Ma liberté tout en couleurs ....En repartant, j'ai croisé des oiseaux qui volaient dans le soleil couchant. C'était paisible.
Merci à l'ADAN, à Caroline et aux surveillants pénitentiaires pour leur gentillesse, leur accueil et leurs sourires.
Le surveillant qui nous raccompagne nous explique que le CNE s’inscrit dans le cadre de l’action du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation). Le CNE de Sequedin, reçoit toutes les six semaines un nouveau contingent de trente détenus envoyés de toutes les prisons de France. Ils y sont évalués sur leur dangerosité et donc sur la possibilité de bénéficier de permissions de sortie puis de libération conditionnelle après avoir purgé la moitié du temps de détention auquel ils sont condamnés. Le séjour à Lille de ces détenus et le rapport qui lui sera transmis, permettra au juge d’application des peines de mieux étayer la décision qu’il devra prendre en réponse à leurs demandes. Ce CNE est en charge des détenus condamnés à quinze ans et plus de réclusion. Nos « amis » ne sont donc pas sortis, sinon pour des transferts, depuis au moins sept ans. Notre accompagnateur nous précise que certains de ce groupe, peut-être parmi nos auditeurs, sont détenus depuis trente ans.
Bernard Pignero pour l’ADAN. Mai 2016